« Les formations universitaires face aux exigences de la professionnalisation. Savoir et employabilité »
Compte-rendu de l'entretien avec Mme Élise Verley (Maître de conférences en sociologie) et de Martine Migeot (ingénieure d'étude), membres de l'Observatoire de l'Insertion Professionnelle (OIP)
Présentation de l'Observatoire de l'Insertion professionnelle
L'OIP existe depuis 2 ans, sur une initiative du Président Jean-Robert Pitte et de Jean-Michel Berthelot. Il fonctionne actuellement avec Mme Élise Verley (Maître de conférences) et Mme Martine Migeot et Mme Isabelle Atris (ingénieures d'étude).
Sa mission est de faire un état des lieux du devenir professionnel des étudiants de Paris-Sorbonne. Il s'agit plus particulièrement de savoir si les étudiants trouvent un emploi en adéquation avec leurs formations, d'analyser les parcours universitaires (affection et désaffection des filières) et d'essayer de comparer les données produites aux autres universités.
1. Est-il exact de dire que l'OIP a une double fonction : d'expertise statistique pour ce qui concerne l'Université de Paris-Sorbonne, et de comparaison au plan national ?
Nous essayons de décrire la spécificité des étudiants de Paris-Sorbonne, voire des universités parisiennes, mais nous n'avons aucun moyen de mettre en perspective nos données d'insertion par rapport aux autres universités. Nous n'avons pas de méthodes ou d'analyses comparables avec d'autres types d'observatoires. Cela se met en place progressivement via « le portail étudiant », du fait d'une injonction de plus en grande du ministère pour pouvoir comparer.
2. Il n'y a donc rien qui fédère au plan ministériel ?
Il y a une volonté de plus en plus forte, mais les observatoires sont des créations des universités, qui ne dépendent donc pas directement des instructions du ministère. La finalité n'est en ce sens pas forcément d'abord externe mais interne (l'Université face à elle-même). Il y a également des risques d'utilisation des données à clarifier avant de mettre les données en ligne.
Le portail étudiant fournit donc des indicateurs très limités.
3. À quel moment de la professionnalisation travaillez-vous ?
Nous ne réfléchissons pas à la professionnalisation mais à l'insertion professionnelle elle-même. La mission de l'OIP était initialement de parcourir en 4 ans l'ensemble des niveaux de sortie avant la mise en place du système Licence Master Doctorat (LMD), afin de pouvoir comparer après cette mise en place.
4. Quels types d'enquêtes faites-vous et quels types de résultats obtenez-vous ?
Nous faisons des enquêtes à 3 ans après leurs sorties de Paris-Sorbonne, en fonction des étudiants non réinscrits. Sur maîtrises, DESS et doctorats (les enquêtes sur la Licence sont en cours).
Nous sommes donc en mesure de faire des différences générales, du point de vue de l'insertion professionnelle, entre les finalités des diplômes (les DESS sont par exemple plus professionnalisants, mais cela vient-il de la sélectivité des diplômes ou des formations elles-mêmes ? cela reste difficile à déterminer) ou encore entre le type de population (en fonction par exemple du sexe ou des origines sociales).
Les DESS ont des taux d'insertion satisfaisants, avec un élargissement de l'offre de formation avec le passage au LMD. Nous recensons onze DESS à Paris IV (en dehors du Celsa).
Nous pouvons constater une grande variabilité de débouchés dans les maîtrises, ce qui apparaît faussé essentiellement en raison des concours d'enseignements, puisque les formations sans concours sont beaucoup moins professionnalisantes.
Nous pouvons également noter des écarts de salaires, des écarts de types d'emplois. Il semble que les écarts sont moindres en Licence, mais ils sont importants en ce qui concerne la maîtrise et le DESS.
5. L'insertion professionnelle des étudiants, au terme des enquêtes, est-elle durable ? S'agit-il de Contrats à Durée Indéterminée (CDI), à Durée Déterminée (CDD)? Comment interpréter vos résultats ?
Il est difficile de mettre cela en perspective. À l'issue d'une maîtrise, et trois ans après, 70% des inscrits ou diplômés ont trouvé un emploi. Le taux de chômage de 6,5% est faible par rapport aux moyennes nationales. 60% concernent des emplois stables, 35% des CDI, 27% CDD et 22% des emplois de fonctionnaires ou de stagiaires de la fonction publique. Mais les situations sont souvent très différentes, notamment du fait de la diversité des contrats, comme les CDI à temps partiels, ou encore en raison des déclassements par rapport à la formation.
6. L'insertion professionnelle est relativement bonne donc ?
Elle n'est pas catastrophique. Mais le degré de satisfaction est plus contrasté (moitié, moitié).
7. Quels critères de satisfaction utilisez-vous ?
Plusieurs critères. Le rapport entre le niveau de formation et le type d'emploi (54% les estiment en adéquation, alors que 44% estiment avoir été déclassés et 1,5% pensent avoir été surclassés). Les critères sont toutefois difficile d'interprétation puisqu'une large part de subjectivité intervient dans les réponses.
Nous utilisons également les critères qui portent sur le contenu de travail, les perspectives de carrière, la sécurité de l'emploi ou encore la rémunération (à ce sujet, l'insatisfaction est assez forte, puisque les salaires moyens sont autour de 1400€ à 1600€, pour les DESS).
8. Comment évolue la professionnalisation dans le temps ?
Nous ne possédons pas d'estimation au-delà de trois ans. En trois ans, les enquêtes évaluent par trimestre et donnent une idée assez précise, avec des ruptures importantes qui permettent de repérer clairement les moments de l'insertion.
9. Dans les 3 ans, est-ce que la satisfaction des étudiants employés dépend uniquement de la formation initiale ou les étudiants ont-ils multipliés leurs formations ?
La poursuite d'études est importante (par exemple, pour les lettres 48% poursuivent, et 44% pour l'ensemble des maîtrises), notamment avec la poursuite dans des formations plus professionnalisantes, malgré le fait que les enquêtes ne concernent que les étudiants ayant quitté Paris-Sorbonne.
10. On peut donc dire qu'il y a une certaine insatisfaction (liée aux formations et aux types d'emploi) et un besoin de poursuite d'études pour trouver une insertion pro : partagez-vous ce point de vue ?
Cette lecture semble crédible : beaucoup de témoignages expriment la faible professionnalité des formations, mais il est difficile de la systématiser.
11. Certaines filières, sans être professionnalisantes, aboutissent-elles à plus de professionnalisation ? Y a-t-il des différences entre les formations plus théoriques pour la professionnalisation ?
Les données ne permettent pas de répondre à ce type de question : nous manquons de recul. L'aperçu transversal ne sera productible que plus tard.
Le contraste essentiel est surtout visible entre concours de la fonction publique et insertion dans les marchés privés.
Pour les formations théoriques, il est très difficile de répondre.
Pour les formations pratiques, il est possible d'avoir des statistiques très claires (certains DESS sont plus ou mieux professionnalisants que d'autres).
12. Pour les formations théoriques, dans quoi les étudiants s'insèrent-ils ?
Il est très difficile de filtrer la réponse et de dégager des modèles économétriques réellement vérifiables, et ce d'autant que les opportunités qui se dégagent sont souvent fonction des formations (le degré d'étude) sans pour autant être directement en rapport avec les contenus de formation eux-mêmes. En outre, il y a des biais qui interviennent du fait des taux variables de réponse.
Il serait intéressant d'aller voir les « répertoires d'emploi » pour les maîtrises.