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IGEP IX – Sophie Bessis : Femmes et transitions dans le monde arabe

26 février 2013 By Geoffroy Lauvau

Séance du 26 février 2013

Femmes et transitions dans le monde arabe.

Sophie Bessis

 

 

Introduction:

Alain Renaut :

Deux raisons liées à notre programme ont justifié, à nos yeux, d’inviter Sophie Bessis. C’est que cette séance, rappelons-le, a lieu dans le cadre d’un programme ANR qui travaille sur les inégalités. Philosophiquement, celui-ci prend la forme de théories de la justice appliquées. Nous questionnons notamment les théories de la justice appliquées aux questions de genre et à la dimension ethnoculturelle : cette belle intersectionnalité entre genre et culture justifiait donc d’abord le fait de vous inviter cette année. Les questions d’intersections entre genre et culture sont pour nous d’ailleurs très intéressantes, comme l’a montré le débat entre Okin et Kymlicka centré sur le fait de savoir si le multiculturalisme est ou non mauvais pour les femmes.

Une autre dimension d’application nous a incités à vous inviter : c’est la question des transitions démocratiques en général, donc la question de la justice transitionnelle, avec l’application de ces interrogations dans le contexte que vous avez beaucoup étudié et que suivez de très près, à savoir celui des révolutions arabes.

Il s’agira donc ici d’un échange interdisciplinaire, puisque vous êtes historienne : l’échange ne pourra être que fructueux, puisque si, d’une part, nous nous ouvrons nous-mêmes aux données produites par l’histoire, d’autre part, si vous produisez ces données, vous restez ouverte à des questions du type de celles que je viens d’évoquer. La séance tiendra donc compte de ce dédoublement disciplinaire.

Conférence:

Sophie Bessis :

Les pistes que vous me proposez sont intéressantes. Je précise d’emblée que je ne fais pas partie des culturalistes, pas du tout, même si, pourtant, je parlerai de culture. Par ailleurs, j’emploierai davantage dans mon propos le terme de « transition politique », plus que « transition démocratique » : c’est que, si la transition est évidente, son caractère ne l’est pas toujours. Quant à la justice transitionnelle, je n’en parlerai pas vraiment, dans la mesure où c’est un cadre un peu particulier. Dans le monde arabe, il n’y a en fait eu qu’un seul cas de tentative de justice transitionnelle, celui du Maroc, par le biais de la commission Equité et Réconciliation. En Tunisie, depuis la révolution, il y a un Ministère de la Justice Transitionnelle, mais il n’y a pas encore, à proprement parler, de justice transitionnelle. Mais je me limiterai à la question que j’ai intitulée « Femmes et transitions dans le monde arabe. Des lectures du présent à la lumière de l’histoire ». La question qui se pose aujourd’hui est d’abord celle de savoir quel a été et quel est le rôle des femmes dans les soulèvements du monde arabe.

Je commencerai par quelques constats. La Révolution tunisienne a donné l’image d’un pays profondément mixte. En revanche, la guerre de Libye a été une guerre d’hommes. En Egypte, troisième cas de figure, si les femmes ont été présentes dans la première phase de la révolution, c’est-à-dire la phase d’occupation de la place Tahrir du Caire jusqu’à la chute de Moubarak, elles ont été ensuite reléguées dans les foyers. Ces quelques éléments, presque impressionnistes, aident à comprendre que l’on peut en fait mesurer le caractère de la transition dans ces sociétés-ci par la place qu’occupent les femmes dans les mouvements de contestation et par le sort que leur réservent les nouveaux régimes en formation. Même si, pendant longtemps, cela n’a été que très peu reconnu dans le monde des chercheurs, la question des femmes est en fait un véritable baromètre de la nature des transitions en cours.

Je vais traiter essentiellement des racines historiques de l’implication des femmes dans les soulèvements de l’année 2011 et dans les péripéties qui ont suivi. Cela permettra de comprendre les très grandes différences qui existent d’un pays à l’autre. Je m’attarderai davantage sur le cas tunisien, dans la mesure où c’est à la fois un pays atypique dans le monde arabe, mais emblématique de la place des femmes dans les sociétés de cette partie du monde. J’articulerai mon propos en trois temps :

-la question des femmes dans les soulèvements, d’abord ;

-la question des normes religieuses, de l’Islam politique et du droit des femmes, dans une perspective davantage historique ;

-et, enfin, la question de savoir si les transitions politiques actuelles sous hégémonie islamiste travaillent pour ou contre les femmes. C’est ici que je m’attacherai davantage au cas tunisien.

1- Le premier temps sera donc celui de la question des femmes dans les soulèvements. Là encore, je commencerai par des images, parce que je crois que l’iconographie est un outil essentiel pour voir, au sens propre, quelle est la place des femmes dans les soubresauts qui agitent la région. Prenons les images du 14 janvier 2011 à Tunis, jour de la grande manifestation qui a fait tomber le régime de Ben Ali. La foule, dans l’avenue Bourguiba de Tunis, est totalement mixte. Tout le monde est en jeans. On peut voir quelques femmes voilées, mais elles sont minoritaires et marchent avec les hommes. Si l’on prend les quelques semaines précédant le 14 janvier – puisque, rappelons-le, le début du soulèvement en Tunisie a commencé le 17 décembre 2010 –, on peut voir, dans toutes les villes, des femmes, debout au premier rang, mêlées aux insurgés et les haranguant, et ce même dans les régions les plus reculées et les plus conservatrices de l’intérieur du centre-ouest du pays. Depuis, en Tunisie, les femmes n’ont pas quitté la rue. A chaque tentative d’atteinte à leurs droits, elles y sont redescendues. Ainsi du 13 août 2012, fête de la femme en Tunisie, par exemple : suite à la tentative du parti islamiste au pouvoir d’instaurer dans la constitution en cours de rédaction le principe de complémentarité des femmes par rapport aux hommes, des milliers de femmes sont descendues dans les rues pour protester – moyennant quoi le terme a été retiré. Ainsi aussi du 6 février 2013, jour de l’assassinat de Chokri Belaïd, dirigeant de l’opposition de gauche : depuis, c’est sa veuve, Besma Khalfaoui Belaïd, qui est devenue l’icône de la protestation en Tunisie. Militante féministe de toujours, dévoilée, issue des rangs de l’extrême-gauche, elle harangue aujourd’hui les foules en jeans et en faisant le V de la victoire. Ces images-là sont très emblématiques.

Au Caire, en février 2011, la place Tahrir n’offre pas tout à fait le même spectacle. Il y a beaucoup de femmes, énormément, même si elles sont moins nombreuses qu’à Tunis. Elles participent à toutes les manifestations, mais sont voilées. La mixité est là, mais plus timide qu’à Tunis.

En Libye, le 15 février 2011, à Benghazi, capitale de la Cyrénaïque, la première manifestation contre le régime de Mouammar Kadhafi est organisée par des femmes, mères, épouses, sœurs des prisonniers massacrés par le régime en 1996 à la prison de Benghazi. Et puis la guerre, qui est une affaire d’hommes, a commencé. Les femmes s’occupent bien sûr de tout à l’arrière – mais l’arrière n’est jamais filmé. Quand on filme la guerre, on ne filme que des hommes. Reste que, pendant le conflit, le porte-parole du Conseil National de Transition libyen est une femme. Ce n’est pas un hasard. Seule femme du Conseil National de Transition en Libye, internationalement visible, elle a permis d’enjoliver le côté moderniste du soulèvement. Pour autant, lors du second anniversaire du soulèvement libyen, il y a une dizaine de jours, les photos ont montré des foules protestant contre l’inachèvement de la révolution, mais exclusivement masculines. Il n’y avait pas une femme.

En Syrie, on a vu les femmes, avant la guerre, quand la révolte n’était encore qu’une manifestation. Elles avaient même organisé une vraie manifestation à Damas en mai 2011, et ont été réprimées par le pouvoir du clan Assad comme ont pu l’être les hommes. Mais la longue durée de la guerre en Syrie a fini par les occulter. La professionnalisation de plus en plus grande du conflit en Syrie ainsi que la place importante prise par les mouvements de l’Islam politique expliquent de manière double que les femmes aient été reléguées à l’arrière-plan. Les Syrienne démocrates modernes n’apparaissent essentiellement qu’à l’étranger.

Dans le Golfe aussi, il y a eu des manifestations et des soulèvements, au Yémen et à Bahreïn. A Sanaa, capitale du Yémen, et à Manama, capitale du royaume de Bahreïn, les femmes étaient là, mais offraient un tout autre spectacle : toutes vêtues de noir, en tenue traditionnelle, strictement séparées des hommes dans les manifestations, elles étaient confinées aux abords des places. Elles ont pu réclamer des réformes importantes, mais visiblement pas toutes : celles de l’égalité des sexes et de la fin de l’apartheid sexuel n’étaient pas à l’ordre du jour – alors, bien évidemment, que certaines femmes y pensent et en rêvent, y compris dans les pays du Golfe, même si elles n’osent pas trop y croire.

Examinons la suite des événements.

Après la chute de Moubarak en Egypte, en février 2011, un Comité Constitutionnel s’est formé afin de proposer une réforme de la Constitution. Aucune femme ne figure dans ce Comité Constitutionnel. 117 organisations égyptiennes, organisations féministes ou organisations de défense des droits humains, protestent, et demandent que le Comité soit formé de membres issus d’horizons divers et des deux sexes. En vain. Malgré leur campagne, la première Constitution post-Moubarak est très discriminatoire. Elle reprend les fondamentaux de la Constitution précédente. Fortement soutenue par les Frères Musulmans, cette Constitution a été adoptée par référendum. Mais le 8 mars 2011, journée internationale de la femme,  marquée, au Caire, par l’euphorie de la révolution, une grande manifestation s’est formée au Caire, place Tahrir, regroupant des hommes et des femmes scandant des slogans sur l’égalité des sexes, réclamant une Constitution et des lois garantissant les droits et les libertés de chaque citoyen quel que soit son sexe, son origine ou sa religion. Une trentaine de minutes plus tard se forme une contre-manifestation d’hommes, scandant « rentrez nous faire à bouffer », « la constitution ne sera pas laïque », et autres slogans du même acabit, certains bien pires. De nombreuses femmes sont brutalisées, par les manifestants comme par les policiers et les militaires les ayant conduites dans leurs locaux. 18 femmes arrêtées ont témoigné avoir été torturées, menacées d’être dénoncées pour prostitution, et soumises à des tests corporels de virginité. Depuis, les femmes ont déserté la place Tahrir, parce qu’elles sont systématiquement harcelées sexuellement par des commandos. Le message est clair : elles ne doivent plus sortir dans la rue.

En avril 2011 à Tunis, après la chute de Ben Ali, s’est formée une série d’institutions provisoire de transition, en attendant les élections. La principale de ces instances est la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, chargée de débattre du projet de code électoral. Or, l’article 15 va stipuler que les listes des candidats doivent être paritaires sur le mode de l’alternance homme-femme. C’est une première dans le monde arabe. Le mode de sanction, lui, est une première mondiale : toute liste ne respectant pas ce principe paritaire sera annulée. Ce jour-là, l’article a été adopté à une très large majorité et a donné lieu à un grand moment d’émotion. Mais puisque la base est celle d’un homme-une femme, et non une femme-un homme, seules 7% des têtes de listes ont été des femmes. Comme les listes donnent en général un ou deux députés,  l’Assemblée Constituante issue du scrutin du 23 octobre 2011 est très loin d’être paritaire. Cela dit, les femmes constituent un peu plus de 25% des députés, ce qui est toujours plus qu’en France.

Il n’y pas eu de soulèvement au Maroc, mais des contestations, à partir de février 2011. Face à cette contagion des printemps arabes, le gouvernement marocain, dès mai 2011, a annoncé qu’il enlevait ses réserves sur la Convention sur 1’é1imination de toutes les formes de discrimination à 1’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Maroc ratifie également le protocole facultatif à cette convention qui donne aux femmes victimes de discriminations et de violations des droits le droit de porter plainte devant une instance internationale. Cette décision, dans l’ordre juridique, signifie que des dispositions en lien avec cette convention doivent être intégrées dans l’ordre juridique interne au Maroc : la loi devait donc être mise en conformité avec la convention, c’est-à-dire que devait être inscrite l’égalité juridique totale des hommes et des femmes. Mais la Constitution du 1er juillet 2011 est très contradictoire. Sous la pression des mouvements féministes, elle stipule clairement l’égalité des sexes, mais d’un autre côté, elle continue de faire de l’Islam la religion de l’Etat, et ne reconnaît la supériorité normative des textes internationaux que pour autant qu’ils ne contredisent pas les principes fondamentaux du royaume.

Ces quelques faits sont parlants. Les femmes ont participé à toutes les insurrections, mais pas de la même façon : telle est la première conclusion que l’on peut tirer. Et surtout, les révoltes et transitions en cours sont loin de leur donner les mêmes espoirs. La modernité ne s’y inscrit pas partout de la même manière. Les femmes tunisiennes et les femmes saoudiennes vivent sur des planètes totalement différentes, par exemple. Rappelons qu’en mars 2011, l’Arabie Saoudite, craignant la contagion des révolutions arabes, a annoncé que le droit de vote serait attribué aux femmes en 2015 – mais continue de leur refuser le droit de conduire. Le 23 octobre 2011, jour des élections tunisiennes et jour du lynchage de Kadhafi, le premier discours énoncé par le président du Conseil National de Transition de la Lybie post-Kadhafi, après, donc, des moments de conflit vraiment violents, faisait de l’application scrupuleuse de la Charia et du rétablissement intégral des règles charaïques en termes de polygamie et de droits de la famille la priorité de la Lybie nouvelle.

Ce simple rappel permet de mesurer à quel point la question de la condition féminine est au cœur des projets de société qui s’affrontent aujourd’hui dans le monde arabe. Les femmes, partout, tentent de mettre à profit les changements en cours pour faire progresser leur condition et faire valoir leurs droits.

2- Revenons maintenant à une perspective historique. Dans les civilisations marquées par un des trois monothéismes abrahamiques (judaïsme, christianisme, Islam), la question féminine est toujours intimement liée à celle de la norme religieuse. La norme religieuse sert, dans les trois religions, à légitimer la sujétion des femmes dans le cadre d’une organisation sociale patriarcale. Cette norme inégalitaire, comme telle, est édictée par la figure de Dieu le Père. Ce marqueur central, cette figure, légitime, dans l’ensemble du bassin méditerranéen, une organisation sociale de type patriarcale. Je renvoie à cet égard au livre de Germaine Tillion, Le Harem et les cousins, qui montre très bien de quelle manière la religion est un outil de légitimation. En ce sens, il n’y a pas d’exception islamique en matière religieuse.

A l’époque contemporaine, les régimes autoritaires postcoloniaux se sont très bien accommodés de cette norme, de laquelle, régimes séculiers ou non, ils pouvaient tirer une partie de leur légitimité. C’est que l’autorité patriarcale dans la sphère privée et l’autoritarisme dans la sphère publique puisent à la même source, celle de l’organisation inégalitaire de la société – inégalités entre les classes sociales, les classes d’âges, les sexes, etc.

Mais d’un autre côté, ce monde arabe entretient depuis un siècle et demi un débat récurent sur la condition des femmes. Dès la fin du XIXe siècle, des penseurs ont appelé à l’évolution de la condition féminine, notamment Kacem Amin. De la même manière, dès le début du XXe siècle, dans la foulée de ces mouvements réformistes, des femmes, essentiellement dans les trois pays où cette pensée réformiste a eu le plus d’impact – soit en  Egypte, en Syrie et en Tunisie – ont commencé à réclamer des droits. Evidemment, au début du XXe siècle, elles ne se sont pas toujours opposées frontalement à la norme religieuse, mais des associations féminines ont revendiqué le droit des femmes à l’éducation et à l’accès à la sphère publique, et ont demandé l’abolition des procédures juridiques les plus discriminatoires, comme la polygamie et le privilège masculin des répudiations. On peut tout à fait parler, dans ces pays, de l’existence d’un premier féminisme des années 1920. A titre d’exemple, en 1924, en Tunisie, une femme s’est élevée publiquement contre le port du voile. Même chose à Tunis en 1929, lors d’une conférence restée célèbre. Dans l’Egypte des années 1920, une autre femme a dénoncé les discriminations. En 1930, en Tunisie, un penseur, homme, Tahar Haddad, considéré comme un des pères du féminisme tunisien, publie un livre, Notre femme dans la charia et dans la société, condamnant avec une grande vigueur le sort fait aux femmes dans l’Islam et estimant que les sociétés musulmanes ne pourront pas avancer si la condition des femmes ne change pas. Il y a donc, depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, un débat, qui lie profondément la question des femmes à la question de la modernité et à celle de la religion. Ce triptyque est réellement fondamental et récurrent. Le lien entre politique et religion dans le monde arabe n’est donc pas une innovation islamiste ; il s’agit, bien plutôt, d’un fait constitutif de la politique du monde arabo-musulman.

Selon les pays, ce lien, une fois les indépendances acquises, a structuré le champ politique. La question aujourd’hui n’est donc pas de tenter d’analyser une nouveauté, mais de savoir comment on est passé, depuis les années 1950, de l’instrumentalisation du religieux par le politique à la captation de l’espace politique par un nouveau discours qui prend pour paradigme le religieux. Dans le premier cas, les pouvoirs en place ont utilisé la rhétorique religieuse pour mettre en œuvre des projets sécularisants et modernistes. Le meilleur exemple est celui de Bourguiba en Tunisie. Dans le second cas de figure, c’est-à-dire aujourd’hui, on assiste à un retour de la norme religieuse totalement littéraliste et débarrassée des lectures de l’idjtihad – soit de l’effort d’interprétation des textes religieux à la lumière du présent.

En fait, aucun pouvoir n’a osé répudier explicitement l’instance religieuse comme source de légitimation – même Bourguiba a utilisé le Coran pour ses politiques modernistes, ce dernier se prêtant d’ailleurs assez bien à une telle lecture. Sachant à quel point le religieux structurait encore le champ social, Bourguiba s’est référé au religieux pour ouvrir le social. Il a, par exemple, aboli la polygamie en se référant à la pensée du Coran, et non à la lettre du Coran. Une phrase emblématique de cette référence au religieux peut être trouvée chez Ben Ali, qui, après Bourguiba, a continué les réformes : ainsi a-t-il précisé, dans un discours du 13 août 1992  « les voies et moyens permettant de promouvoir et de renforcer les acquis de la femme sans altérer notre identité arabo-musulmane ». On comprend, grâce à cette petite citation, que, d’une part, la référence à l’arabité et à l’Islam sert clairement de ciment identitaire, mais aussi, en fait, que c’est dans le domaine du statut des femmes et de la famille que la référence au religieux a toujours été la plus systématique. Cette référence était d’autant plus nécessaire qu’au Maghreb et dans le monde arabe, elle sanctifie les coutumes qui lui sont antérieures. C’est donc dans les relations de genre que la religion a le plus servi à légitimer des coutumes, qui, parfois, n’étaient pas inscrites dans la religion. Soit, donc, on a sanctifié des coutumes rétrogrades par la religion, soit on a tenté de les défaire et de les détruire par la religion. Ce double usage du religieux est, comme tel, réellement frappant. Mais du coup, cela permet de comprendre que même si la référence à la religion est généralisée, tous les Etats ne sont pas logés à la même enseigne. C’est là qu’intervient l’importance de la référence ou non à la Charia, qui donne lieu à de grands débats, notamment en Tunisie. Les pays arabes peuvent donc être classés selon la place laissée à la Charia, et cette place conditionne clairement le statut qu’ont les femmes dans les normes juridiques.

L’histoire contemporaine des femmes dans le monde arabe, depuis les indépendances, peut en fait être divisée en deux grandes périodes. Dans les premières décennies, de 1950 à 1975, les acquis des femmes dans certains pays arabes s’inscrivent dans les dynamiques sociales propres à chaque pays. Peu de revendications spécifiques aux femmes ont été mises en évidence. La scolarisation, par exemple, a été massive, et n’a pas concerné exclusivement les femmes. Des processus de modernisation autoritaires, laissant une place plus ou moins grande aux femmes et s’attachant avec une plus ou moins grande intensité à sortir les femmes de la sphère domestique, ont donc marqué cette première période – même si, pour les monarchies du Golfe et certaines républiques tribales, comme le Yémen, les choses ont pu être assez différentes, puisque l’immobilisme est resté la règle.

Un tournant a eu lieu au milieu des années 1970. Les femmes se sont élevées contre les obstacles à leur émancipation. Elles ont commencé à réclamer des droits spécifiques, et non plus des droits généraux. L’égalité des droits devient alors une revendication majeure. Comment expliquer ce tournant, à cette époque précise ? En fait, ces années-là correspondent à une période de profond changement dans le monde arabe. Les régimes qui ont fait les indépendances étaient des régimes autoritaires et dictatoriaux, mais dotés d’une certaine légitimité, celle de la libération nationale. Ils étaient donc construits sur un pacte politique et social, à défaut d’un pacte démocratique. En revanche, à ces premiers régimes postindépendance succèdent, dans les années 1970-1980, des dictatures, au sens propre, caractérisées par la rupture du contrat social. Ce sont des régimes de prédation pure et simple. Ils deviennent vite très impopulaires, et se voient alors de plus en plus concurrencés par les mouvances islamistes. Pour contrebalancer la concurrence, ces régimes vont en fait développer un discours de plus en plus religieux, pensant que cette réislamisation par le haut permettra d’assécher le terrain de leurs concurrents. Du même coup, au Maghreb, un constat tend à s’impose, celui de la quasi-simultanéité de l’émergence des mouvements islamistes et féministes : ces derniers naissent au même moment, dans la deuxième moitié des années 1970, et occupent le même espace, comme si ces deux mouvements, évidemment très différents, étaient tous deux les fruits du processus de sécularisation et de modernisation de la société. Ils en constituent en fait les deux faces, le mouvement des femmes correspondant à l’inscription de ces sociétés dans le processus de modernisation, et les mouvances islamistes se présentant comme le refus de ces processus de modernisation. Cette quasi-simultanéité n’est pas le fruit du hasard : elle montre, une fois de plus, que le changement de statut des femmes a constitué le principal révélateur des mutations subies par ces sociétés, que d’aucun acceptent et que d’autres refusent – c’est que cette mutation des rapports de genre est considérée par ses adversaires comme le facteur essentiel de la mise en péril et de la destruction d’un ordre immuable de la société, cet ordre patriarcal étant censé constituer le dernier rempart d’une identité collective menacée.

Or, effectivement, les mouvements des femmes, qui naissent donc quand la place des femmes a cessé d’être marginale pour devenir un phénomène de société et à partir du moment où la rapidité de leur évolution commence à susciter des réactions de la part des franges de la société attachées au principe de la toute-puissance masculine et aux rôles traditionnels des genres, se structurent autour de deux revendications, la demande de droits et l’égalité des sexes. Leurs membres se revendiquent comme sujets autonomes de droits, réclamant donc par là l’égalité de droits tout en protestant contre la loi du groupe et en prenant la tête des processus d’individuation du sujet. Egalité en droits, dénonciation de l’instrumentalisation viriliste de la religion, à partir des années 1970, la parole féministe devient un des principaux opérateurs de modernité. C’est la seule qui remet explicitement en question l’ordre viriliste qui gouverne dans la région méditerranéenne la gestion politique de la Cité entière. Par là, précisément, elle remet en cause la légitimation de la religion comme facteur d’organisation des rôles sociaux.

C’est dans ce contexte, dans la continuité de ce contexte, qu’ont eu lieu les Révolutions arabes, mélange d’explosion sociale, due aux ravages des inégalités et du chômage, et de revendications de liberté de la part de jeunesses maintenant connectées au monde. La connexion au monde, d’ailleurs, est de plus en plus étroite, et fait face à vingt ans de réislamisation de champ social : telle est la forme de l’affrontement qui s’est dessiné.

Depuis 2011, l’organisation hiérarchique des sociétés a subi des coups de boutoir. Les soulèvements de 2011, quel que soit leur destin, ont inauguré une nouvelle phase de l’histoire du monde arabe. A leurs débuts, dans tous les soulèvements, en Egypte, en Tunisie, ailleurs, les populations ont d’abord manifesté pour réclamer la justice et s’insurger contre les inégalités. Les quatre mots-clés se retrouvant dans tous les slogans révolutionnaires sont ceux de dignité, justice, liberté, égalité. A Tunis par exemple, je n’ai jamais entendu de slogan religieux pendant les soulèvements. Même chose place Tahrir. Reste à voir de quelle égalité, entre qui et qui, de quels types de rapports sociaux, de quelles logiques et avec quelles références, il est question.

L’étape actuelle des transitions a vu l’arrivée au pouvoir de mouvements issus de l’Islam politique. Sous des formes diverses propres à chaque société, tous ont pour programme une réislamisation des droits et de la société. En Tunisie, les élections ont été remportées par le parti islamiste Ennahda, avec une majorité relative (38% des suffrages exprimés et 42% des sièges au Parlement). En Egypte, les Frères Musulmans et les salafistes, ensemble, ont raflé les ¾ des sièges élections remportées. Au Maroc, la monarchie a accordé des élections pour calmer les soulèvements,  et le Parti de la justice et du développement, qui est un des deux partis islamistes marocains, a gagné les élections. En Lybie, les partis islamistes et salafistes n’ont pas remporté de victoire électorale, mais c’est qu’en fait, absolument tous les partis se réclament d’un attachement à l’Islam et à son hégémonie normative.

Voilà donc un premier nœud : la référence à la norme religieuse est en contradiction avec l’exigence d’égalité, puisqu’elle empêche l’égalité plénière des sexes au point de vue juridique. Evidemment, la victoire de l’Islam politique et la réislamisation champ sociétal passent d’abord, partout, par la reprise du contrôle patriarcal sur la situation des femmes, avec comme outil principal la référence religieuse. Donc là aussi, nous avons des contradictions. C’est que les conditions socio-politiques dans lesquelles s’opèrent ces transitions font que démocratisation, normes religieuses et condition féminine sont profondément liés et s’articulent les uns en fonction des autres. Le destin à moyen terme de ces sociétés sera fonction de l’articulation que les acteurs politiques et sociaux trouveront entre ces trois données. Aujourd’hui, les droits des femmes et l’avenir des processus de démocratisation dans la région sont un seul et même sujet. L’enjeu « femme » est, fondamentalement, un axe central de cette phase historique que connaissent les sociétés du sud de la Méditerranée.

3- En quoi consistent ces transitions sous hégémonie islamiste pour les femmes ? Le mouvement d’émancipation des femmes est-il menacé par ce « détour » (pour rester optimiste) par l’islamisme ? Quels compromis sont possibles avec la hiérarchie des normes ? En fait, les compromis ne sont pas les mêmes dans les différentes sociétés. Ainsi, toutes les constitutions en Egypte, depuis Sadate, font, selon l’article 2, de la Charia la source principale du droit. En Tunisie, dans la Constitution de 1959 comme dans tous les textes législatifs, le mot de Charia n’apparaît pas. Les situations ne sont donc pas tout à fait les mêmes. Je m’attacherai ici, essentiellement, au cas tunisien.

En Tunisie, peut-il exister une majorité politique avec un programme suffisamment sécularisé qui défendrait l’égalité juridique entre les sexes – qui est une des conditions du passage à une société démocratique ? Pour l’instant, le débat fait rage et n’est pas soldé. La Tunisie, en fait, est un cas un peu particulier, puisque le premier texte juridique émis trois mois après son indépendance est le Code du statut personnel, promulgué le 13 août 1956. Il donne des droits aux tunisiennes qui n’existent nulle part ailleurs dans le monde arabe, comme le consentement explicite des deux époux lors d’un mariage ou l’interdiction de la polygamie et de la répudiation unilatérale. Au cours des années suivantes, ces droits ont été complétés par d’autres : ainsi, depuis 1958, le mariage civil compte comme seule forme légale reconnue du mariage. En 1993, d’autres réformes importantes ont été mises en place, comme le consentement obligatoire de la mère pour le mariage d’une fille mineure, ou comme le remplacement de l’obligation d’obéissance de la femme envers son époux par l’obligation de bienveillance mutuelle des deux conjoints, modification symboliquement très importante. Depuis 2010, la transmission de la nationalité tunisienne par la mère est possible, même si son mari est étranger et si les enfants sont nés à l’étranger. On a ainsi pu parler d’un féminisme d’Etat bourguibien. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il y a égalité juridique totale des sexes en Tunisie. L’égalité totale n’existe pas. Restent encore des dispositions discriminatoires, en premier lieu desquelles l’inégalité successorale, puisque le fils continue d’avoir double part sur la fille. De plus, les musulmanes, selon une circulaire ministérielle qui a acquis force de loi, n’ont pas de droit d’épouser un non-musulman. La liberté du choix du conjoint, illimitée pour les hommes, est donc limitée pour les femmes.

C’est pour toutes ces raisons que la foule du 14 janvier 2011 à Tunis était une foule mixte. La mixité, comme telle, a une histoire dans ce pays. C’est aussi ce qui explique pourquoi les femmes continuent à jouer un aussi grand rôle dans la transition tunisienne. Durant les années de dictature de Ben Ali, les associations féministes se situaient résolument dans le camp démocratique, donc dans le camp de l’opposition, estimant qu’autant une société qui n’est pas juridiquement égalitaire entre les sexes ne peut pas être une société démocratique, autant, en même temps, on ne peut pas avoir d’égalité réelle en contexte de dictature. Elles se battaient donc en même temps pour la démocratie et pour l’égalité des sexes. Les mouvements féministes, en Tunisie, ont du coup pu bénéficier d’une légitimité très grande du fait de leur opposition à la dictature, et tentent actuellement d’en profiter et de faire jouer cette légitimité pour faire inscrire explicitement l’égalité des sexes dans la Constitution. C’est un des nœuds, aujourd’hui, dans la bataille qui se mène.

C’est que les signaux de cette transition sont assez contradictoires. Les femmes se sont affirmées comme des actrices du mouvement révolutionnaire. Leur participation à la vie politique est importante. Le contexte de la transition crée donc des opportunités, comme la parité dans le système électoral, et la société civile reste très active aujourd’hui. Pour autant,  en même temps, la radicalité islamiste s’étend par le biais de l’idéologie wahhabite, encouragée par le parti au pouvoir et constituant une menace très sérieuse pour la condition des femmes. Et en effet, alors que le parti Ennahda s’était engagé pendant la campagne à ne pas remettre en question le statut des femmes, les choses ont sensiblement changé une fois aux commandes, le discours de Rachid Ghannouchi, son chef, se faisant vraiment inquiétant pour l’égalité des droits. Je pourrais donner une série d’exemples d’atteintes portées au statut des femmes, avec déjà des conséquences dommageables. Plus grave encore, les autorités n’ont pas réagi aux violences perpétuées contre des femmes par les salafistes : ainsi des agressions dans des établissements d’enseignement, de l’obligation de porter le voile dans un certain nombre de petites villes, perturbation des cours dans les universités, des violences physiques, etc. Aujourd’hui, ces mouvements violents misogynes agissent dans la plus totale impunité. Il y a donc, pour les femmes vivant cette période de transition, à la fois opportunité et motif de profonde inquiétude.

L’enjeu majeur se situe en fait dans la Constitution. Le 23 octobre 2011, la Tunisie a élu une Assemblée Constituante qui a abrogé la Constitution de 1959 pour fonder une  deuxième République. Ce débat devait durer un an, mais l’Assemblée Constituante s’éternise, et est toujours en phase de discussion. Les organisations de défense des droits des femmes réclament que l’égalité des sexes soit explicite dans la nouvelle loi fondamentale en consacrant l’égalité des droits, en prohibant de façon explicite toutes les discriminations fondées sur le sexe, en consacrant la parité homme-femme dans les instances politiques et en reconnaissant la suprématie des traités internationaux sur les lois nationales. Or, le parti Ennahda refuse de consacrer la primauté des conventions internationales sur le droit interne et d’internaliser ces conventions dans le droit. Les débats sont très vifs ; ils sont liés, en Tunisie comme ailleurs, à la question de la place du référent religieux dans les pratiques sociales. La Constitution aurait dû être promulguée fin 2012 : cela n’a pas été le cas, pour des raisons politiques, mais aussi parce que les positions du parti au pouvoir ne poussent réellement pas au compromis en matière de référent religieux.

Ainsi, l’article premier de la Constitution de 1959 déclarait que « la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain. Sa langue est l’arabe, sa religion est l’Islam et son régime st la république ». L’Islam, par une prouesse grammaticale propre à l’arabe, est présenté comme la religion des tunisiens, mais pas de la Tunisie : il n’est pas écrit que l’Islam est la religion de l’Etat Tunisien. Cet article 1, dans le projet actuel, est reconduit comme tel : les laïques ont fait ce compromis, mais ils souhaiteraient que cet article soit balisé par une référence au caractère civil de la religion. Or, le parti Ennahda refuse de revenir sur trois passages de la Constitution : il refuse, comme tel, la primauté des conventions internationales et refuse la référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – nommément citée en 1959 – ;  il refuse également de revenir sur l’article 4, qu’il vient de rédiger, selon lequel l’Etat est considéré comme le protecteur du sacré et le garant de la religion ; il refuse enfin de modifier l’article 148 du projet actuel, qui met fin à cette ambiguïté salvatrice en disant explicitement que l’Islam est la religion de l’Etat tunisien. Il y a donc, ici, un saut qualitatif très important, et ce d’autant plus que l’article 148 glisse les mentions de la Constitution ne pouvant pas faire l’objet d’une révision : l’Islam, ainsi, doit être considéré comme la religion d’Etat, sans que l’on puisse revenir au flou salvateur de la Constitution précédente.

Comme on peut le voir, le référentiel idéologique islamiste n’a pas changé. Il n’y a qu’un seul référentiel, c’est celui de la réislamisation par la loi de la société. Les femmes tunisiennes craignent donc, avec raison, une régression de leur statut. Le mouvement Ennahda est parfois obligé d’opérer des reculs tactiques (mais seulement tactiques), justifiés par le fait qu’en Tunisie, plus qu’ailleurs, les mouvances séculières sont incontestablement plus puissantes que dans certains pays arabes.

Se pose donc, en conclusion, la question de savoir s’il peut y avoir coexistence entre normativité religieuse et exigence démocratique impliquant l’égalité des sexes. Les expériences historiques dans le monde montrent que non. L’Europe s’est démocratisée, mais pour cela, elle a dû opérer une révolution profane ; elle ne n’est pas démocratisée avec l’Eglise, mais contre l’Eglise. L’Etat d’Israël, lui, tire une partie de sa légitimité de la référence religieuse à la loi mosaïque. En Israël, juridiquement, les femmes sont dans un statut d’inégalité totale qui est celui de la loi mosaïque (ainsi, les femmes n’ont pas le droit de demander le divorce, qui est un privilège exclusif de l’époux sauf dans six cas – qui sont, d’ailleurs, exactement les mêmes que dans la loi coranique : la normativité mosaïque et la normativité coranique sont en fait très proches sur cette question). Les femmes d’Israël sont donc dans un statut d’infériorité dans la mesure où la loi n’est pas coupée de son référent religieux. Du même coup, si les élites des pays arabo-musulmans refusent d’instaurer une rupture entre l’ordre juridique et le référent religieux, il n’y aura pas de possibilité d’accéder à la pleine égalité des sexes. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de bataille entre des projets de société assez contradictoires. La grande différence avec les féminismes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, c’est que les femmes sont beaucoup plus actrices de cette bataille qu’elles ne l’étaient il y a un siècle. Elles sont d’ailleurs actrices sur plusieurs plans et dans plusieurs camps, y compris dans le camp islamiste. On observe donc, dans tous les pays arabes, une aspiration contradictoire à la sécularisation et la modernisation d’un côté, et à la réislamisation de l’autre, l’aspiration à la sécularisation me semblant plus importante que l’aspiration à la réislamisation, qui serait très certainement beaucoup plus modeste si elle n’avait pas d’aussi puissants relais que sont les monarchies du Golfe.

Discussion :

Marie-Pauline Chartron, répondante :

-Vous parlez du refus du parti Ennahda de reconnaître la Déclaration des droits de l’homme de 1948. Est-ce un refus fait au motif d’un rejet de l’occidentalisme ? Comment répondre à cette critique de l’occidentalisme, si elle est encore évoquée ? Et si cette critique existe, puisque vous évoquiez l’héritage silencieux du libéralisme par les pays arabes, s’agirait-il de justifier l’universalité des droits de l’homme et de la compléter par la réappropriation de cet héritage libéral tunisien dont vous parliez ?

Réponse : Sur la Déclaration, c’est un refus explicite. L’explication habituelle, c’est qu’il n’y a pas d’universalité des droits humains, chaque société produisant ses propres référents. Les droits humains tels qu’ils sont dans la Déclaration universelle sont des droits occidentaux. La grande critique, fondée sur l’argument de la spécificité, c’est d’ailleurs que la frange moderniste de la société n’appartient pas en propre à la société tunisienne, mais que ce sont des élites occidentalisées libérales. Les choses apportent parfois un démenti à ce type de raisonnement, puisqu’à l’enterrement de Belaïd, il y avait dans les rues plus d’un million de personnes, soit 10% de la population, donc un peu plus que les seules élites occidentalisées… Mais toutes les rhétoriques de la spécificité, dans les pays du monde musulman, dans un certain nombre de pays asiatiques ou ailleurs, utilisent cela. Du même coup, en fait, aussi bien en Egypte qu’en Tunisie, les partis modernistes revendiquent un héritage réformiste local. C’est une revendication absolument centrale. Toute la rhétorique de ces partis modernistes revient à dire que leur modernité est une modernité autochtone. Chaque région du monde ayant produit un morceau, un pan de l’universalité, il s’agirait en fait actuellement de  continuer à produire son propre pan de cette universalité. Les réformes en Egypte ont commencé en 1830 ; dans l’Empire Ottoman, les Tanzimat ottomans ont eu une importance, et même chose en Tunisie : toutes ces périodes de réformes de la fin du XIXe siècle permettent d’inscrire les réformes à venir dans une histoire locale. Un hymne, d’ailleurs, a été rédigé par l’association tunisienne des femmes démocrates et montre de façon très claire cet ancrage dans le local :

« Je suis Elyssa qui a fondé Carthage au IXème siècle avant J.C,

Je suis Sainte Perpétue de Tébourba, première femme écrivaine du IIIème siècle,

Je suis La Kahéna qui a fait face aux conquérants venus d’Arabie au VIIème siècle,

Je suis Aroua la berbère kairouanaise qui a imposé la monogamie au mari venu d’un orient polygame au IXème siècle,

Je suis Saïda Aïcha Mannoubia qui a arraché sa liberté au patriarcat rétrograde pour vivre librement sa spiritualité et assister aux cours de théologie de Belhassen Chedly au XIIIème siècle,

Je suis Aziza Othmana, princesse mouradiya qui a mis ses biens habous pour construire l’Hôpital Aziza Othmana, libérer les esclaves et aider les démunis au XVIIème siècle,

Je suis la militante anticolonialiste B’chira Ben Mrad (1913-1993), Nabiha Ben Miled (1919-2009), Tawhida Ben Cheïkh devenue première femme médecin en 1934 et honorée après sa mort par la mairie de Paris avec la création d’un centre de santé à Montreuil appelé “Centre Tawhida Ben Cheïkh”,

Je suis Habiba Menchari qui au cours d’une conférence à Tunis en 1924, réclame publiquement la suppression du voile, et joignant l’acte à la parole se découvre le visage et ôte le voile.

Je suis toutes ces femmes et plusieurs autres qui ont crié depuis 3000 ans : Non à la soumission ! Puis à tous les malades mentaux qui s’insurgent contre la liberté des femmes et leurs droits, nous disons toutes : nos droits ne sont pas un cadeau, notre histoire millénaire nous défend, notre présent nous soutient et l’avenir est avec nous !

L’essentiel est dans la coalition de toutes les forces progressistes, contre la régression, pour la liberté et la démocratie.

Femmes tunisiennes progressistes de notre pays, unissons-nous ! »

Il y a donc une réelle volonté d’un ancrage local : les Tunisiennes, par là, revendiquent leur inscription dans leur histoire propre, plurimillénaire, mais locale. Leurs modèles ne sont donc pas seulement des modèles issus de l’Occident, même si, bien sûr, l’Occident a apporté et importé.

– Vous semblez lier de manière forte l’émancipation des femmes et le processus de démocratisation et de sécularisation. Cette émancipation des femmes passe pour vous par l’acceptation de l’égalité des droits et de la parité caractéristique d’un processus démocratique. Que penser du féminisme islamiste alors ?

Réponse : Je m’attendais à cette question. Je répondrai en deux temps. Jusqu’aux années 1970, le seul féminisme a été un féminisme séculier, démocratique. En fait, deux choses très différentes sont confondues sous l’appellation de féminisme islamiste. Il y a d’abord les femmes qui sont investies dans les mouvements islamistes, les femmes qui sont prêtes à renoncer à leurs droits pour des raisons de convictions politiques (plus que religieuses : il ne s’agit pas vraiment de savoir si la religion a vraiment dit cela). Ces femmes islamistes sont profondément réactionnaires, mais, dans la réalité des choses, elles ne sont pas prêtes à revenir à la maison : elles ont été à l’école, ont un travail, ont fait leur entrée dans la sphère publique, certes voilées, elles utilisent des moyens de contraception (légalisée en Tunisie en 1962 pour les femmes ayant plus de cinq enfants, puis, à partir de 1973, pour toutes les femmes ; la contraception est aujourd’hui totalement libre et remboursée par la sécurité sociale. En Tunisie, les femmes islamistes prennent autant la pilule que les femmes laïques). Ces acquis sociétaux sont tellement importants qu’il est très difficile de revenir dessus, et les femmes ne le souhaitent pas. Le retour à la maison dans une société sécularisée comme l’est la Tunisie est absolument impossible. Les salafistes tentent de l’imposer par la violence, mais cela ne fonctionnera pas. On a donc tendance à confondre les femmes islamistes qui sont prêtes à certaines régressions juridiques, mais dans une certaine mesure, avec, ensuite, d’un autre côté, le féminisme islamique. Celui-ci est en fait d’abord asiatique, très présent en  Malaisie et en Indonésie. Il rappelle en fait que le Coran, les textes normatifs et la tradition prophétique – les faits et gestes du prophète, depuis la révélation prophétique – n’ont toujours été lus que par des hommes, conservateurs, mais que ces textes, en eux-mêmes, ne sont pas inégalitaires. Il n’est donc pas nécessaire de sortir de la référence religieuse pour demander l’égalité des droits : au contraire, rester dans le texte est possible, par une lecture des textes à la lumière du présent – c’est l’idjtihad –, ou, comme ces femmes le disent, à la lumière des femmes. Beaucoup d’entre elles vont d’ailleurs très loin dans la revendication des droits et réclament l’égalité totale des droits. C’est ce qui explique que, dans un certain nombre de pays, féministes laïques et islamiques peuvent même faire un bout de chemin ensemble. Là où elles diffèrent, c’est que les féministes laïques disent que même si on peut aller loin dans la nécessaire relecture des textes, on n’arrivera jamais à l’égalité totale, puisque quelques versets restent d’une grande clarté. C’est le cas du verset sur l’héritage, par exemple – même si les féministes islamiques rétorquent que ce verset coranique s’explique par le fait que les hommes avaient l’obligation d’entretenir les femmes ; or, puisque les femmes travaillent, puisque le contexte a changé, on peut interpréter différemment ce verset, qui, comme tel, n’a plus lieu d’être. Restent tout de même quelques versets problématiques, ainsi de la sourate de la génisse, selon laquelle si les femmes n’obéissent pas, il faut les molester ou les corriger. Cela donne lieu à de grandes batailles sémantiques, ce qui ne change absolument pas l’idée de fond qui y apparaît. Aussi le féminisme islamique, pour le féminisme laïque, n’arrivera pas jusqu’au bout. Si l’on reste au sein du seul corpus religieux, je ne suis vraiment pas sûre que l’on puisse atteindre la pleine égalité.

Jean-Cassien Billier: 

– Ce que souligne bien votre exposé, c’est qu’il y a une très grande variété interne de l’islamisme. Or, dans ces mouvements des trente dernières années, et depuis les révolutions arabes, on voit qu’il y a une pression très forte faite par l’Islam wahhabite et koweitien. Il n’y aurait donc pas d’unanimité et d’unité de l’Islam, mais plutôt un Islam contre un autre : un Islam tente de s’imposer à un autre.

Réponse : C’est une excellente remarque. L’Islam est divers. Il y a en fait quatre grandes écoles juridiques sunnites, suivant lesquelles, d’ailleurs, la condition des femmes peut beaucoup varier. Ces quatre écoles, nées autour du VIIe-VIIIe siècles, constituent ce qu’on appelle le droit positif musulman. L’Islam le plus libéral est l’Islam turc, l’Islam hanafite. L’Islam majoritaire, lui, est l’Islam malékite, très développé en Afrique sub-saharienne, conservateur mais pas extrémiste (pour autant, ici, une femme ne peut pas signer elle-même son contrat de mariage). L’école juridique chaféïte, quant à elle, est assez minoritaire. Enfin, l’Islam hanbalite, terriblement littéraliste et conservateur, a donné naissance à une école très conservatrice, qui a elle-même donné naissance au wahhabisme, très développé en Arabie Saoudite. Cet Islam wahhabite, qui correspond donc au fruit de la trajectoire la plus conservatrice de l’école elle-même la plus conservatrice, est même plus que littéraliste – le Coran, pour cause, n’a jamais interdit aux femmes de conduire, ni de monter sur des chameaux, pour faire un raisonnement analogique ! Or, si les Saoudiens ont réussi à unifier une très grande partie de la péninsule arabique, au début du XXe siècle, les deux plus grandes universités théologiques du monde arabe, Ez-Zitouna à Tunis et Al-Azhar du Caire, ont déclaré que le wahhabisme était une hérésie dangereuse. L’Université de Fez a redit la même chose dans les années 1930. Comme tel, le wahhabisme était à combattre. Les instances théologiques de l’Islam sunnite elles-mêmes lui étaient donc clairement opposées. Comment, alors, expliquer sa remarquable diffusion ? Que s’est-il passé ? Un seul mot explique toute la situation : le pétrole. Ce qui était l’Islam d’une secte à peu près inconnue est devenu, par la force des hydrocarbures, celui des Etats des plus riches de la planète, peu peuplés, mais très riches. L’Arabie Saoudite, par exemple, compte un peu moins de 2% de la population musulmane mondiale, mais fournit 90% du matériel de propagande musulmane mondiale. La force de l’argent a fait que les monarchies wahhabites, notamment le Qatar, le Koweït et l’Arabie Saoudite, financent les mouvements islamistes, salafistes et, pour une part, djihadistes. Cela s’est accentué à partir de 1979 et de la révolution iranienne, qui avait une volonté géopolitique prosélyte. Est née, du coup, une nouvelle guerre sunnite contre chiites, qui a fait que les idées des monarchies du Golfe se sont répandues dans l’aire sunnite de façon très importante. Le pouvoir de l’argent a donc été une des raisons les plus fondamentales expliquant le développement de cet Islam. L’autre grand outil de réislamisation, ce sont les chaines satellites, comme Al Jazeera, véritables télé-évangélismes musulmans. Pour autant, ce qu’on entend le plus en Tunisie aujourd’hui, c’est un discours du type « il ne s’agit pas de notre Islam ! Nous sommes musulmans depuis toujours, et nous n’avons pas besoin d’en apprendre un autre. Qui sont ces gens qui prétendent nous dire quoi faire au nom d’un Islam qui n’est pas le nôtre ? ». A cet égard, les contestations contre les saccages, par les salafistes, de mausolées de saints respectés – comme celui de Saïda Aïcha Mannoubia, sainte patronne de Tunis, par exemple –, proscrits dans le wahhabisme, ont été très fortes. Au XIe siècle, les tribus guerrières de la péninsule arabique, Beni Hilal et Beni Sulaym, connues pour avoir beaucoup détruit sur leur passage, ont été envoyées par le pouvoir en place pour punir le Maghreb, et notamment l’Egypte, d’un certain nombre de révoltes – c’est ainsi, d’ailleurs, que la population s’est islamisée. Si les invasions hilaliennes, dans la mémoire collective, sont le signe de destructions, de retour au nomadisme, etc., beaucoup voient dans le développement actuel de cet Islam wahhabite, dans les agissements du Qatar et dans la propagande saoudienne, de nouvelles invasions. Reste que cette guerre des deux Islams est une perspective de travail très intéressante.

– Il y a ce facteur, incontestablement, qui est assez tragique. Mais peut-on quand même imaginer la possibilité que puisse se développer une démocratie musulmane, comme il y a eu une démocratie chrétienne ? Vous dîtes que la démocratie s’est développée contre la religion en Europe : oui, certes, mais dans le détail, les choses ont été assez complexes. Pensez-vous, du coup, qu’une forme de démocratie musulmane soit possible et puisse se développer ?

Réponse : Certes, il y a eu des partis démocrates chrétiens en Europe, mais ils n’ont pu exister qu’à partir de Léon XIII, c’est-à-dire à partir du moment où l’Eglise a accepté le processus de sécularisation – même si, bien sûr, en France, en Italie ou en Espagne, le processus ne s’est pas déroulé à la même vitesse. Reste que ces partis ont dû se fondre dans un moule. Même si leur idéologie était empreinte de la morale de l’Eglise et de la normativité religieuse, ces mouvances ont dû accepter un certain nombre de règles du consensus démocratique. Ces partis démocrates chrétiens n’ont donc pu exister qu’à l’intérieur de ce consensus démocratique et de cette normativité démocratique – qui, bien sûr, ne s’est pas imposée de manière quasi-consensuelle du jour au lendemain : reste qu’elle a fini par exister et faire consensus, sauf peut-être dans la période fasciste, et encore. Ces partis suivent donc les valeurs de l’Eglises, mais ont dû accepter autre chose que cela. Remarquons, d’ailleurs, qu’au fond, les valeurs morales de Combes et de son équivalent partisan de l’Eglise n’étaient pas fondamentalement différentes, restant patriarcales et inégalitaires. Je pense en tout cas qu’il y a une différence essentielle entre la morale et le droit. La laïcité est une condition non-suffisante, mais nécessaire à l’égalité des droits. Elle n’est pas suffisante, comme on le voit avec l’exemple de la France, République laïque à partir de 1905 alors que l’égalité complète des sexes n’a été obtenue que dans les années 1980. Reste qu’un prérequis nécessaire est celui de la séparation de la sphère politique et de la sphère religieuse. Je pense que ce ne sera qu’à ce moment-là, que, peut-être, des partis démocrates musulmans seront possibles. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on a tant misé sur la Turquie, pays musulman dont la Constitution est exclusivement laïque. En tout cas, dans le monde arabo-musulman, s’il y a des personnes liées aux mouvements islamistes qui cheminent vers l’acceptation des principes démocratiques, pour autant, le collectif politique islamiste en est assez loin, et ce d’autant plus qu’il n’y a pas de partis islamistes modérés. C’est que les prérequis ne sont pas là.

Questions de la salle:

– Vous avez avancé, dans votre exposé, que vous préfériez distinguer entre les concepts de sécularisme et de laïcité. Pourriez-vous expliquer pourquoi ?

Réponse : Cette distinction n’est pas le fruit d’une préférence. Il est essentiel de  défranciser la laïcité, terme trop souvent empreint de et associé à l’anticléricalisme français. Il faut donc bien plutôt la re-percevoir comme exigence de neutralité de l’Etat vis-à-vis de toute religion, comme une modalité du vivre ensemble. C’est ce qui explique que j’utilise le terme de séculier (et non celui de sécularisme) pour définir une modalité du vivre ensemble qui sépare politique et religion, le caractère civil de l’Etat et la non-référence au droit religieux dans les constitutions.

Transcription : Marion Vuillaume

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